Thématique 2026
Résistances : hacktivisme, détournements et tactiques artistiques à l’ère numérique
Depuis 20 ans, les technologies numériques s’immiscent dans chaque interstice de nos existences – de la sphère intime aux dynamiques géopolitiques – les artistes se font les témoins, les observateur·ices critiques, mais aussi les acteur·ices d’une contre-narration nécessaire. Pour son édition 2026, la Biennale des Imaginaires Numériques, qui se déploie entre Aix-en-Provence, Marseille, Arles, Istres et Avignon, propose d’interroger les modalités de résistance artistique face aux logiques normatives, extractivistes et oppressives des technologies contemporaines.
Le thème de la résistance, abordé sous l’angle des cultures numériques, ouvre un espace de réflexion pluriel, à la croisée de l’activisme, des tactiques de subversion, et des gestes artistiques de désobéissance. Il s’agit d’examiner comment les pratiques numériques – qu’elles soient issues de la performance, de l’installation, du spectacle vivant, de la réalité augmentée, de la vidéo ou de l’écriture algorithmique – peuvent devenir des espaces de lutte symbolique, politique et esthétique.
Résister, c’est s’opposer, détourner, hacker, déranger.
C’est aussi subvertir transformer l’impact, traverser la faille, construire dans la fissure, créer.
Mais certaines formes de lutte ne crient pas , elles dansent, elles rient, elles chantent. Ces approches ne nient pas le réel, elles ne l’édulcorent pas — elles choisissent de le traverser autrement. Elle crée des espaces de puissance collective, des fictions désirables, des rituels de résistance fondés sur la relation plutôt que sur la confrontation.
Les deux dimensions ne s’opposent pas : elles coexistent dans les pratiques artistiques contemporaines comme autant de réponses sensibles et politiques
De manière plus métaphorique, résister est aussi une poétique de l’obstacle, une force d’équilibre, une capacité à ralentir, à rediriger, à filtrer. Résister, ce n’est pas bloquer — c’est faire exister une autre dynamique dans un flux imposé.
Nous pourrons traiter ces problématiques du point de vue de quelques axes critiques, mais qui restent ouvertes à ce stade, et à élaborer en fonction des projets proposés :
- L’hacktivisme comme pratique artistique
Dans un contexte globalisé de surveillance de masse, de censure algorithmique et de privatisation des données, des artistes-hacktivistes inventent des tactiques de résistance : intrusion critique dans les systèmes, piratage des protocoles, réappropriation des codes. La Biennale souhaite interroger ces pratiques en tant que formes d’expression politique, mais aussi comme gestes esthétiques qui rendent visibles les structures invisibles.
- Esthétiques du détournement et poétiques de la dissonance
Le détournement constitue un mode d’action essentiel pour les artistes numériques : il permet de subvertir les signes, d’infiltrer les canaux officiels, de brouiller les discours hégémoniques. Comment détourner les interfaces ? Que signifie perturber une IA ? Comment poétiser les bases de données ? Les artistes sont invité·es à explorer ces voies en tension, en créant des œuvres qui fracturent l’usage normatif des technologies.
- Résistances intimes : vulnérabilité, corps et subjectivités
Résister, c’est aussi réaffirmer des subjectivités vulnérables face à la violence des dispositifs technologiques. Les artistes sont invité·es à réfléchir à la manière dont le corps, la mémoire, le soin ou encore la dissidence peuvent s’incarner dans des pratiques numériques. Il s’agit de penser l’espace numérique comme un lieu de friction et de réinvention du sensible, de reterritorialisation de nos imaginaires.
- Esthétiques de la résilience : soin, mémoire, réparation
Au-delà de la contestation, certain·es artistes choisissent des gestes réparateurs. Ils travaillent la mémoire blessée, la saturation émotionnelle. La résilience devient ici une poétique du soin – pour les corps, les territoires, les récits, les infrastructures numériques elles-mêmes.
- Contre-cartographies et désorientation technopolitique
En détournant les outils de la surveillance, les artistes peuvent aussi produire des cartographies alternatives, des récits minoritaires ou invisibilisés, qui interrogent les logiques de contrôle et d’exploitation. Ce sont ces formes de désorientation volontaire – dans l’espace, dans le langage, dans la donnée – que la Biennale souhaite mettre en lumière.
- Esthétique de l’ombre et stratégies de disparition
Enfin, dans une époque obsédée par la visibilité et la transparence, certaines pratiques artistiques choisissent la disparition, le camouflage, l’anonymat, le silence. Comment créer dans les interstices, dans le non-dit, dans l’ombre ? La résistance peut aussi se jouer dans l’opacité, la réserve, dans le refus d’alimenter la machine
- Fictions technologiques et imaginaires alternatifs
Résister, c’est aussi imaginer. Imaginer d’autres futurs technologiques, d’autres ontologies numériques, d’autres formes de relation entre humain, machine et vivant. Les œuvres spéculatives proposent des mondes de rechange, entre utopie bricolée et dystopie critique, entre fabulation politique et création symbolique.
Une invitation à penser le numérique autrement
La Biennale des Imaginaires Numérique 2026 est une invitation à penser le numérique au prisme de la dissidence, au travers d’ œuvres qui perturbent les évidences, brouillent les signaux, ouvrent des brèches et proposent des outils d’émancipation dans notre société pour renouer avec les utopies originelles notamment d’Internet.